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Prix lycéen du livre de philosophie 2018

, par Philippe HENRY

Trois livres cette année étaient au programme du Prix lycéen du livre de philosophie :

a. Anne-Lyse CHABERT, Transformer le handicap - revu récemment et très rapidement avec Cyrille :
sa thèse est essentiellement de montrer que le handicap (un peu à la manière de Claude LEVI-STRAUSS) n’est pas purement et simplement un problème physique, ni mental, mais de point de vue, de représentation et de soi et du monde, et du rapport à autrui (incluant le rapport au corps). Le handicap est fondamentalement dans le jugement de valeur porté (de soi sur soi-même ou par autrui). Inversement, de manière positive, les exemples donnés par l’auteur, notamment celui du calligraphe japonais (dont on voit l’évolution d’une œuvre grâce à des photographies successives, "image par image"), M. Fumiyuki Makino, montrent la capacité de dépassement de soi, profondément humaine, dont chacun-e - valide ou non - pourrait tirer profit.

b. François JULLIEN, Il n’y a pas d’identité culturelle - sans doute celui des trois que nous avons le moins étudié :
la thèse est dans la réévaluation du [rouge]commun[/rouge] par opposition à l’[rouge]universel[/rouge] et au [rouge]semblable[/rouge]. Comme vous le remarquez avec le "code couleur" il s’agit d’un repère. Là aussi l’influence de Lévi-Strauss est palpable : si le semblable est facilement critiquable comme étant "commun" [mais au sens d’ordinaire, comme dans "opinion commune" - mais ce n’est justement pas le sens que M. JULLIEN donne à ce repère], vulgaire, bref dégradé par rapport à une norme idéale (à la fois sans effort d’amélioration de soi, et à la fois sans précision de la norme même : ce qui est semblable est confusément pareil, à peu près, etc.) en revanche, il y a une surévaluation de l’universel, notamment de la part des Européens face au monde. On doit reconnaître que le commun est un idéal véritable, et non pas un commun simplement issu du semblable ou du similaire (c’est-à-dire par comparaison avec autrui - dont la perversion est à la fois le communautarisme, dans son rapport d’exclusion du dissemblable, et l’uniformisation, puisque l’uniforme efface ou éteint toute particularité, toute singularité) mais un commun effectif, hors de soi. L’identité culturelle se pose donc nécessairement comme une sorte de semblable à une communauté (un groupe toujours particulier, qui ne saurait donc être le commun, au sens de l’auteur), ou bien comme universel qui s’arroge un titre d’exclusivité et détruit les autres points de vue possibles (l’uniforme - cf. le phénomène de "mondialisation"). Voilà pourquoi l’humain devrait s’orienter vers un commun, qui est bien au-delà de toute identité culturelle : ce qui nous est véritablement culturel devrait nous être à tous - quelles que soient par ailleurs nos singularités - notre commun.

c. Francis WOLFF, Il n’y a pas d’amour parfait - notre "chouchou" donc.
Sa prouesse consiste à trouver une définition exacte de l’amour, alors même que celui-ci n’aurait pas réussi à trouver sa propre définition, du moins de sorte qu’elle soit acceptable par tous, en plus de 2000 ans d’histoire de la pensée.
Comme l’auteur le schématise remarquablement : l’amour est comme un triangle où les trois sommets seraient des tendances, amitié, désir et passion à l’extérieur, amical, désirant et passionnel à l’intérieur. Tout amour est donc unique, du fait de sa propre composition des trois tendances à l’intérieur, et l’impossibilité (et ce ne serait pas souhaitable non plus - en tout cas, ce ne serait plus de l’amour) de la réalisation d’un idéal "pur" en chaque cas, pure amitié, pur désir, ou pure passion. D’autre part, cette imperfection essentielle de l’amour se trouve aussi dans son aspect non seulement déséquilibré dans ses tendances internes mais encore dans l’intensité inégale entre les deux amants. L’amour est donc fondamentalement non réciproque, unilatéral, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’amour heureux : des entre-expressions, des coïncidences, des ajustements exquis encore existent.
Mais l’ensemble est nécessairement vivant, dynamique, grâce justement, à la fois, à ce déséquilibre, et à cette inégalité.
D’où l’imperfection intrinsèque de l’amour.

De fait, Cyrille et Émilien, de Terminale S, ont bien travaillé, puisqu’il se trouve que c’est en effet le livre de M. Francis Wolff qui a gagné le Prix. Bravo à ces deux élèves et que cette expérience philosophique les inspire le 18 Juin !
Enfin, et non le moins, ces trois livres sont disponibles en prêt au C.D.I.